Lorsqu’un homme de science dit « Je ne sais pas comment et pourquoi mon pays n’avance pas comme les autres « , la conscience collective est interpellée. Cette sentence est de l’éminent professeur Kamel Sanhadji, directeur de recherches à l’hôpital Edouard-Herriot de Lyon, honoré par l’ex-Président français, Jacques Chirac, de la médaille de chevalier de la Légion d’Honneur pour sa contribution en matière de recherche sur le Sida, homme reconnu par les instances internationales, dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et ONU-sida.
Citoyen modeste et scientifique émérite, le professeur Sanhadji ne ménage aucun effort pour répondre à l’appel de la terre natale, disant : » Le peu de science et d’expérience que j’ai, je le communique et le mets à la disposition de mon pays. » A cœur ouvert et l’esprit lucide, il répond à nos questions sur une actualité brûlante.
La Dépêche de Kabylie : Professeur Kamel Sanhadji, le VIH est un virus très dangereux causant la maladie du sida. Peut-on connaître ses origines ?
Kamel Sanhadji : Le virus de l’immunodéficience humaine ou VIH, à l’origine du sida, est un rétrovirus d’apparition assez récent. Il a été découvert en 1981, mais son origine remonte à plus loin. A notre connaissance, le plus ancien cas remonte à l’année 1972 où nous avions trouvé chez un patient africain, un sérum congelé réagissant (prélèvement séropositif) au test de laboratoire. Auparavant, on avait trouvé le dossier d’un patient portugais, dont on n’avait pas de prélèvement de sang, mais qui présentait tous les signes cliniques du sida. Ce dernier datait de 1958. L’origine africaine du sida n’est donc pas confirmée. A présent, on pense qu’il s’agit probablement d’un virus du singe vert, qui a muté et évolué vers l’homme. En effet, le virus du sida de l’homme présente des ressemblances à celui du sida du singe. Il peut s’agir d’un virus d’origine animale ou végétale varié et muté. Ces variations exercées dans le temps par des facteurs externes (radioactivité, changements de température, etc agissent sur les micro-organismes en les modifiant pour devenir spécifiques d’une autre espèce, par exemple infectant à l’origine des vaches puis des singes et puis l’homme. C’est la seule hypothèse scientifique que l’on peut avancer actuellement. Par ailleurs, en tant que chercheur je me pose aussi la question : l’homme a manipulé et modifié certains virus animaux ?
Je ne peux pas le cautionner ou le croire, mais rien n’empêche de dire que quelqu’un ai pu manipuler certaines souches virales qui étaient spécifiques à des animaux ou à des végétaux dans le but de le transmettre à l’homme, ce
qui est somme toute vraisemblable. mais j’ai du mal à croire que l’homme puisse en arriver là.
Quelles sont justement les causes de contamination de cette maladie ?
Le mode de transmission majeur reste effectivement la voie sexuelle. Il s’agit d’une infection sexuellement transmissible (IST). Il faut bien comprendre que le virus du sida a besoin d’une porte d’entrée, qui peut s’expliquer par une blessure qui laisse des brèches d’entrée dans le sang. Cependant, le virus du sida ne se transmet pas par l’air comme par exemple la tuberculose ou la grippe. Il suffit aussi qu’une femme enceinte soit atteinte du virus du sida pour qu’elle le transmette à son bébé pendant la grossesse ou en cours d’allaitement par le sein. Il y a aussi la transmission par les aiguilles souillées. (aiguilles réutilisées comme le cas fréquent des utilisateurs de drogues, les injections, les objets réutilisés dans les milieux des drogués par exemple. Tout en sachant que ce n’est pas la drogue qui cause le sida, mais c’est l’aiguille déjà utilisée chez une personne infectée qui véhicule des goûtes microscopiques de sang, dans cette gouttes de sang, il existe des milliers de cellules. Donc, Il suffit qu’une seule cellule soit infectée et injectée avec la drogue pour être à l’origine d’une contamination ; Disons qu’il y a trois modes de transmission du VIH, à savoir :
– La voie sexuelle,
– La transmission mère-enfant lorsque la femme enceinte est infectée
– L’utilisation des seringues et aiguilles souillées par du sang contaminé.
Cependant, le sang est aujourd’hui contrôlé dans les centres de transfusion sanguine. Les dons de sang et la transfusion sont en principe contrôlés et ne présentent plus de danger d’inoculer le virus.
Le sida en tant que maladie n’est qu’une étape très avancée de l’infection par le VIH. Lorsque les signes cliniques s’installent (infection très avancée et système de défenses immunitaires altéré (fièvre, perte de poids, ganglions), la vraie maladie (sida) s’installe. Mais arrivé là, il est déjà presque trop tard : le patient a mis plusieurs années. Cette période varie de 2 à 7 ans sans traitements. Avec les nouveaux traitements antirétroviraux, elle peut s’étaler sur 10 à 20 ans.
L’incidence de l’infection par le VIH en Algérie et dans le Maghreb est estimée par l’OMS à 0,3% de la population adulte. Il y aurai en Algérie comme au Maroc respectivement 30 000 personnes vivant avec le VIH.
On dit aussi que pour le seul fait de toucher certains objets réutilisés il y a risque de contamination du VIH. Qu’en est-il exactement ?
Effectivement, il faut faire très attention aux objets qui sont en contact avec le virus du sida, tels que les appareils utilisés dans des examens médicaux, comme les endoscopes chez les patients atteint du virus du sida.
Par contre, il suffit de les décontaminer avec de l’alcool ou du formol et autres produits pour éloigner le danger. Par ailleurs, s’il y a du sang qui a coulé sur une table par exemple, le virus ne peut pas vivre à l’air libre au delà de 2 à 3 heures. Et si l’on évoque les aiguilles, comme chez les drogués, une seringue utilisée ne présenterait plus de danger au bout de 2 à 3 heures, quoiqu’il faut faire attention de ne pas ramasser les objets suspects. Chez le dentiste par exemple, il n’y a aucune crainte car celui-ci a suivi une formation médicale et procède à la décontamination réglementaire de son matériel.
Chez le coiffeur par contre, il faut être vigilant quant à l’utilisation et la réutilisation du matériel coupant (lame de rasoir…). Il faut exiger des lames neuves et son matériel doit être décontaminé avec de l’alcool ou à l’aide d’une flamme.
Le tatouage est à éviter dans la limite du possible car on a constaté que certains tatoueurs réutilisent leur matériel sans aucune règle d’hygiène.
Peut-on comprendre alors que la maladie du sida touche beaucoup plus les catégories défavorisées ?
La maladie a toujours été l’injustice la plus caractéristique chez l’être humain. en effet, la situation socioéconomique joue un rôle capital. Malheureusement, la précarité et la pauvreté placent l’individu dans des situations difficiles qui génèrent des maladies. Ce qui ne lui permet pas de capter l’information dans le temps et dans son environnement. Cette frange des populations fragilisées par la maladie et dépourvues de moyens n’est pas sensible à l’information. Ce n’est que l’instinct du souci de vivre au jour le jour qui est capté. L’exemple est donné dans certaines villes africaines et subsahariennes où l’on a des quartiers entiers pauvres et même certaines villes qui ont de 30 à 40% de personnes contaminées par le virus du sida. Ce sont des ghettos de pauvreté qui constituent malheureusement des bombes à retardement.
L’Algérie a-t-elle mis les moyens pour faire face à ce phénomène qui reste un tabou dans certains milieux malgré toute la dangerosité qu’elle présente ?
Actuellement, l’Algérie dispose de moyens financiers colossaux et pourrait faire face à ce phénomène en commençant par la mise en place de structures de soins et de recherches de qualités et suffisantes. Malheureusement, je pense que le comble réside plutôt dans l’absence de cette culture de prévention permanente pour freiner l’avancée de la maladie occultée depuis belle lurette en plus de l’insuffisance des centres spécialisés en prévention et en recherches car il ne faut pas se limiter à la journée internationale, qui est le 1er décembre, pour lutter contre le sida.
L’action de prévention doit être permanente et généralisée à toutes les catégories sociales . En effet, la prise en charge des patients nécessite des structures spécialisées en nombre suffisant, même s’il faut reconnaître qu’il y a des efforts qui ont été réalisés.
Et puis il y a la recherche, car c’est de là que va jaillir la » lumière « , c’est-à-dire la solution. L’Algérie ne s’est pas encore dotée de structures de recherches en général et en particulier en matière du sida, alors qu’il s’agit d’une urgence de part l’ampleur de cette pandémie. Nous avons souvent signalé cette urgence car, en connaissance de causes, tous les jours et toutes les minutes il y a des milliers de personnes qui se contaminent dans le monde et notre pays n’y échappe pas puisque les mêmes modes de transmission du virus sont retrouvés localement. Dieu merci, avec les moyens financiers actuels l’Algérie serait capable à même de pallier à la situation en matière de soins et de recherches. Mais il faut agir dans le temps.
Pour y faire face justement, pensez-vous que c’est une question de compétences, de moyens ou de gestion de façon globale ?
Effectivement, disons qu’il y a tout un lien entre les différents facteurs que vous venez de citer. Imaginons une compétence sans les moyens, ou bien encore, avoir les moyens sans avoir les compétences qui puissent utiliser rationnellement et efficacement les moyens mis en place, et dans tout cela il y a la question de vision managériale qui doit être au diapason des besoins en la matière. Autrement dit, je pense que la compétence ne posera pas de problème. Du moment que la question peut passer par des formations. Les moyens peuvent être achetés, la compétence existe ; il faut la valoriser et revaloriser nos valeurs. Individuellement, on constate qu’il y a des compétences très intéressantes mais le problème se pose au niveau du système de gestion qui ne fonctionne pas d’une façon rationnelle. On remarque une espèce de dynamique, mais qui n’en est pas une. Il y a encore beaucoup de freins et de blocages, et même des réflexes d’autocensure et parfois des excès de zèles qui n’ont pas lieu d’être. Et pourtant nous avions commencé à parler du sida en Algérie dès le début de l’épidémie, c’est-à-dire vers les années 1981/1982 dans la presse et les médias lourds avant même que nos voisins maghrébins le fassent. Mais depuis, et malheureusement, nous avons perdu beaucoup de temps.
En parallèle, les Marocains et les Tunisiens nous ont dépassés en adoptant une très bonne prévention, contrairement à l’Algérie qui a presque délaissé cette mission et la prévention a même reculé malheureusement.
L’ONU-sida estime l’incidence du VIH dans la population adulte maghrébine à 0,3% , ce qui ramènerait à 30 000 le nombre de personnes vivant avec le VIH respectivement en Algérie et au Maroc. La situation réelle ne peut être recensée que par un dépistage qui soit anonyme, gratuit et libre afin que toutes les franges de la population soient représentées.
Il faudrait que les programmes scolaires soient dotés de matières scientifiques où la prévention est prodiguée en tant qu’enseignement afin que les élèves fassent d’eux-mêmes à leur tour la prévention entre eux et autour d’eux. Les campagnes de sensibilisation doivent être régulières et continues et ne pas se limiter à la journée mondiale du sida (1er Décembre). Ainsi on pourra sensibiliser une population plus conséquente sur l’importance du dépistage de toutes les catégories socioprofessionnelles afin d’avoir une prévalence réelle en Algérie.
Je reconnais que la prévention est encore difficile en Algérie, où l’image du sida est tabou et encore considérée comme une maladie de la honte. C’est pourquoi j’insiste sur le rôle de l’école et de l’enseignant qui à un rôle-clé dans le cadre de son enseignement. L’instituteur est obligé de parler, de communiquer et d’expliquer. Les élèves parlent et communiquent entre eux et ceci fera boule-de-neige.
Le meilleur investissement serait donc dans l’école pour que les générations montantes soient protégées. Il faut que la culture de l’ouverture et de la prévention s’installe chez nos enfants. Une fois que cette culture s’installe chez nos jeunes, il n’est plus besoin de sévir. L’objectif est de susciter des réflexes sains chez l’enfant et ce n’est que dans le cadre scolaire que ces bases peuvent être rationnellement prodiguées. La prévention viendra ainsi d’elle-même. C’est le meilleur moyen d’y arriver.
En gynécologie, on dit que l’accouchement par césarienne évite les risques de contamination du VIH de la mère atteinte à son bébé. Qu’en est-il au juste de la question professeur ?
On sait aujourd’hui que la transmission du VIH mère-enfant se produit soit au cours de la grossesse, soit après le premier trimestre et d’une façon plus importante vers la fin et surtout au cours du travail (contractions) c’est-à-dire en cours d’accouchement.
En effet, les modifications mécaniques de l’utérus au cours des contractions peuvent être à l’origine d’un passage fugace du virus du compartiment maternel à travers le placenta, en empruntant le cordon ombilical, pénétrant ainsi chez le bébé.
Les traitements antirétroviraux actuels permettent de réduire cette transmission du VIH de la mère à son enfant en cours de grossesse à moins de 1%. De plus et pour assurer le plus de sécurité possible au bébé et lui éviter une contamination, une césarienne est programmée afin de faire naître l’enfant un peu avant terme afin d’éviter les contractions pouvant être à l’origine d’un passage du virus de la maman à son enfant.
Dans le cas des traitements en Europe et dans les pays développés, les médecins contre-indiquent l’allaitement maternel afin d’éviter les risques de contaminations qui provient du lait maternel de mère sidéenne. Un autre exemple des pays d’Afriques subsahariens : on prend les risques de 10% pour éviter de perdre 100 personnes, ce qui est un exemple de solution de réduction de mortalité. Ceci dit, le traitement médical réduit les risques au maximum ; par contre avec le traitement traditionnel, le risque est toujours présent. Sans traitement de la femme enceinte, le taux de transmission du virus est de 25%. Les traitements actuels font baisser la transmission du virus mère-enfant à moins de 1%.
Professeur, revenons à la question des législatives du 17 mai 2007. Votre candidature a été rejetée alors que le pays est dans le besoin pressant de son élite : hommes de sciences, de lettres ou de cultures. Vous a-t-on expliqué au moins les raisons du rejet de votre candidature ?
C’est un grand paradoxe. On ne m’a rien dit. Les « systèmes » sont ainsi. Néanmoins, je tiens à préciser d’abord que je n’ai jamais été demandeur mais sollicité pour apporter » un plus » pour mon pays de par ce que je sais faire en science et la recherche au service de l’humanité.
C’est cette plus-value que l’on m’a demandée d’apporter au sein de l’hémicycle : apporter une certaine expertise pour avancer dans les choses en connaissance de cause. Je reconnais aussi que c’est un peu naïf, mais sans que je ne sois moi-même naïf.
Durant mon exercice de parlementaire et en pratiquant de » l’intérieur « , c’est beaucoup plus difficile, car les » mentalités » ne suivent pas (ou plutôt ne veulent pas suivre), d’où le décalage énorme entre les idées et la pratique. En tout cas, ma participation a été sincère en vue d’apporter un plus tout en moralisant la fonction politique. Le » politique » n’a pas bonne presse dans l’opinion publique.
En tout cas, et en ce qui me concerne, je ne fais pas de politique politicienne, c’est-à-dire que je n’ai jamais considéré que la politique est un métier : la politique est au service des métiers. Je considère qu’il faut d’abord avoir son propre métier avant d’exercer des fonctions politiques. C’est un moyen de valoriser et d’amplifier les projets qui rendent service à la population générale et d’aller un peu plus vite.
A la limite, j’accepte d’être un politique si cette dernière sert la science. Je suis dans cet état d’esprit et c’est ainsi que je vois les choses. Je souhaitais utiliser ma compétence et expérience de député afin de pouvoir drainer et convaincre dans l’hémicycle, les pouvoirs publics et l’exécutif surtout pour qu’ils puissent réaliser des laboratoires de recherches parce qu’on en a besoin. Je me suis toujours battu dans l’intérêt de la science et sur la question de l’émigration que je représentais. J’avais l’illusion qu’il était possible de faire beaucoup de choses, mais entre ce qu’on veut faire et ce qu’on peut faire, il y’a un grand fossé. Les priorités, j’en suis convaincu, sont ailleurs. Peut être qu’il y’a d’autres choix que les défis scientifiques et le sida n’intéresse pas les pouvoirs publics.
Peut être qu’il y’a aussi d’autres urgences à mettre en place. En tout cas, on ne me l’a pas expliqué. Ce que je sais, c’est que mon parti (FLN) m’a demandé de renouveler ma candidature, mais n’a pas joué le jeu. Je n’en garde pas d’amertume parce que j’ai la conscience tranquille du moment où je fais bien mon travail. Les partis politiques sont des gros rouleaux compresseurs qui ne fonctionnent pas toujours de façon rationnelle. C’est pourquoi il y’a souvent des conflits entre les partisans et leur tutelle partisane à cause des carences dans la communication. Je suis sûr que s’il y’avait une bonne communication, énormément des conflits auraient pu être évités. On revient toujours au problème de culture.
Professeur, estimez-vous que l’élite algérienne joue réellement son rôle pour le développement du pays ?
L’élite algérienne existe, mais elle est diluée. Je ne sais pas pourquoi elle ne fait pas écho. Individualiste ? Manque- t’elle de courage ? Je n’ose pas le croire. » En réalité, cette élite n’a jamais été
sollicitée par les pouvoirs publics. La démonstration de l’absence de sa mise à l’épreuve est éloquente dans tous les domaines « . Néanmoins, dans cette élite, nous reconnaissons volontiers que la femme algérienne s’est souvent montrée plus perspicace, efficace et pratique surtout dans les moments difficiles.
La femme algérienne a apporté la démonstration dans plusieurs événements. L’élite en général est de très bonne qualité, car on la voit, lorsqu’elle est expatriée, au sein de certaines équipes à l’étranger. L’élite doit s’organiser et prendre son destin en main et son seul objectif est de » tirer les choses vers le haut « . Et rapidement. L’élite est bien le moteur du développement social, culturel, politique et économique des pays.
Ne pensez-vous pas justement que la création d’un cadre pouvant regrouper cette élite, qui se retrouve un peu partout dans le monde, soit une chance pour le pays pour débattre de l’ensemble des questions ayant trait à l’avenir et le développement du pays ?
Nous l’avons déjà lancé à plusieurs reprises. J’avais initié un groupe sous forme d’un cercle que nous avons appelé » Emergence « . Il s’agit de la mise en place d’un réseau des potentialités algériennes très intéressantes, comme par exemple le Professeur Elies Zerhouni, actuellement directeur des centres de recherches américaines sur la santé (NIH) ainsi qu’Azouz Begag ex-ministre chargé de la promotion et de l’égalité des chances en France et bien d’autres. Ce réseau de compétences, établi à l’étranger ou à l’intérieur du pays, peut être sollicité dans le cas où l’Algérie aurait besoin d’un avis d’expertise sur des questions d’importance capitale. Et j’ai même proposé de les répertorier dans une cartographie du monde, sous forme d’un planisphère dans les quatre continents du monde, et mettre ces compétences en valeurs, afin d’apporter leurs expertises sur les différentes questions spécialisées. Cette démarche éviterait de reproduire les erreurs du passé à la lumière des expériences éprouvées. Par ailleurs, Ce système de rapprochement et densification de l’élite et des compétences a été mis en place à la demande des pouvoirs publics et des autorités les plus importantes, mais, malheureusement, les compétences n’ont jamais étés sollicitées. Ces élites sont devenues quelque peu réfractaires et considèrent certaines sollicitations, comme des appels de sirènes de mer. Ainsi, les pouvoirs publics ont perdu toute crédibilité et n’ont eu aucune emprise sur l’élite.
Preffesseur, êtes-vous optimiste pour l’avenir ?
En ce qui me concerne, je suis toujours optimiste et peut être même excessivement. Je le dis parce que c’est avec cela que l’on peut faire avancer les choses. Par contre, il est plus facile de détruire, que de construire. Tout l’art est dans le discernement de ce qui est probant dans une problématique, et de savoir tirer le » fil d’Ariane » pour retrouver son chemin. Le Chemin de l’édification et de construction d’une société juste et équitable garantissant son épanouissement. Autrement dit, comment pourrait on être optimiste et convaincant lorsque l’on voit et l’on entend quotidiennement l’injustice et le mépris ?
Ceci dit, il y’a beaucoup de choses qui vont mal, Pire encore, des phénomènes qui défient même les lois de la nature et beaucoup de dysfonctionnements. pourtant, il y’a des questions et des solutions qui ne relèvent que du bon sens.
Lorsque vous voyez et vous entendez des discours tout à fait incohérents, cooptés et pris en considération, ainsi que la rumeur devenu une base de gestion, au lieu de transparence et du formel, c’es l’informel qui gère le quotidien, les lois de la nature sont bel et bien défiées. Comment pourrait en fait, parler de l’optimisme et de l’espoir ?. Parfois, je me dis que je me raconte des histoires. Mais en fait, il n’ y pas de quoi être fier du fait d’une réalité qui découle des mécanismes et méthodes de gestion archaïque et irrationnelle. On s’enlise, c’est la fuite en avant. D’un autre point de vue, lorsque l’on analyse la situation en profondeur, l’on se dit que c’est une question d’organisation et de raisonnement et rien qu’avec cela, beaucoup de choses peuvent être résolues. Mais, malheureusement, souvent c’est les même réflexes et erreurs qui reviennent. Certes, les choses viendront, mais l’on perd aussi beaucoup de temps, et c’est toujours des choses inextricables ou » moutons à cinq pattes « . J’ignore pourquoi cette mentalité de l’empirisme, de colportage et de médiocrité s’est installée dans notre pays. Cela, je ne l’accepterai jamais et je défendrai toujours les valeurs civilisationnelles, humaines et progressistes haut et fort. Mes convictions et mon petit savoir en sciences et en expériences est restitué à la société à laquelle je suis redevable.
Estimez-vous avoir accompli votre devoir envers le pays ?
J’avoue que j’ai toujours eu le sentiment d’avoir une dette morale. C’est pour cela d’ailleurs que je tiens à mon pays. C’est parce que mon pays va mal, que je me dis que suis malade. Je vous assure que s’il est bien comme tous les autres pays, je n’y penserai peut être pas. Ça me blesse lorsque je vois et je vis tout ce qui se passe dans mon pays: les attentats, la dégringolade,la violence,la corruption,le niveau de vie,la précarité, la pauvreté, toutes ces femmes qui dorment sous les arcades avec leurs enfants,les femmes répudiées avec leurs enfants. Venez voir de 19H à 20h des femmes qui tapissent des cartons tout au long du front de mer et ce sont des familles entières. il n’y avait pas tout cela avant.
C’est ce que je ne peux pas supporter, et tout cela, c’est une dette morale pour moi. C’est pour cela que j’essaie de donner le maximum pour dire j’ai fait ce qu’il fallait faire, et que je puisse me soulager au moins du peu que fait pour la société. Vous ne pouvez pas savoir à quel point je me sens heureux, lorsque je rend service “et quelque soit le niveau de service que je rends” à des personnes qui ont en besoin. Je vous assure que je me sens très bien, quand je vois aboutir même avec des bribes d’interventions qui puissent soulager quelque peu les gens qui en ont besoin,et ça, c’est une dette extraordinaire que je paie, pour le bien-être de la vie humaine, et c’est la seule dette que j’ai envers mon pays. Je ne fait rien en privé, et je ne sais pas pourquoi quand on fait du bien pour son pays, on vous en veut. Alors je me demande qui sont ces gens là, et qu’elle est leur nature ? Ah Mon dieu ! c’est grave, je préfère être à ma place. Je ne travaille que pour pays, les choses publiques et l’université: c’est la seule dette que j’ai. Sur ce point, je suis tranquille et je sais pourquoi je me bats. je fait de mon mieux quotidiennement pour le bien de mon pays et de l’humanité.
Cher professeur, votre communication est un soulagement. Quelle est la chose la plus chere dans votre vie ? avez vous quelque chose qui vous tienne à cœur ?
Personnellement, la chose la plus cher, d’abord, c’est ma mère. C’est elle qui m’a inculqué les valeurs de noblesses. C’est d’elle que j’ai hérité les valeurs du bon sens et de l’éducation saine. Elle m’a éduqué a sa manière, pour que je fasse, ce que je suis entrain de faire pour restituer le peu de savoir que j’ai pour mon pays, et je suis heureux lorsque je le communique. Je l’ai comme un don. Je pense que ce don je l’ai reçue de ma mère. En outre, je pense que même si c’est trop pour notre génération, on doit penser aux autres générations à venir. Moi, je suis inquiet pour l’école. Le seul espoir pour l’avenir, c’est d’investir dans la qualité de l’école. L’école actuelle est malade, il faut bien qu’elle guérisse. parce qu’elle ne produit pas de la bonne qualité.
Ce n’est pas le nombre qui compte, mais la qualité des compétences, car c’est le seul moyen de s’en sortir, et ce n’est pas pour aujourd’hui, mais pour plus tard, pour les enfants et l’homme algérien de demain. Quand on éduque et qu’on forme les enfants avec des réflexes sains, normaux qui deviennent des citoyens civilisés, on n’a plus besoin de les contraindre par corps, les lois etc. L’individu éduqué et civilisé, c’est lui-même qui va faire le développement, la démocratie la liberté etc. la bonne école doit se faire rapidement, c’est la seule façon qui permet au pays de s’en sortir. C’est de cet optimisme dont on parlait au début : en parlant de la réhabilitation de l’école algérienne qui avait de très bonnes qualités.
Mon école je l’ai faite en Algerie et en partant en France pour continuer nos études, on avait un niveau comme les Français. dans les années soixante quinze et quatre-vingt, il y’avait un très bon niveau et puis c’est la dégringolade. Je vous assure qu’on passait des concours à l’époque, et personne ne savait que nous étions des Algériens, parce qu’il y avait un bon niveau.
Il y avait les même programmes. Ce ne sont pas des programmes français,mais ils étaient d’un nouveau universel. On nous enseigna l’histoire de l’Algerie avec les bonnes qualités. Enseignons toutes les matières algériennes qu’on veut, mais qu’elles soient de bonnes qualités tout simplement. Ah, mon dieu, maintenant je ne sais plus ce qui se passe. Le maître n’est plus respecté, l’élève ne sait ni écrire ni lire. Il y a des médecins qui remplissent des ordonnances, mais qui ne savent même pas les rédiger convenablement. Mais ce n’est pas de leurs fautes. Parcque c’est l’école quelquespart qui a fabriqué des jeunes avec un niveau faible. Parfois, j’ai honte de voir une ordonnance en Algérie pleine de fautes.
Ce n’est pas la faute de ces jeunes médecins, mais de ceux qui les ont “fabriqués” et ça c’est impardonnable.